Semaine S-8 : Si j'avais un marteau ...

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

vervoz.jpgOn ne peut pas dire que je proviens d’une famille de bricoleurs ou alors ils étaient discrets !
Mon grand-père devait bien l’être un peu par nécessité tant pour entretenir jardin et poulailler mais surtout pour assouvir sa grande passion, la colombophilie, mais mon père, son beau-fils, bien que se le prétendant s’est contenté de me montrer, avec une foreuse manuelle, on savait se donner du mal, comment forer, mettre une cheville puis une vis pour pendre un cadre.
Moi, assembler, construire, j’aimai, et dès mes premiers Legos, j’accrochai.

Ce furent mes premières notions de stabilité d’autant qu’à l’époque on exécutait un toit avec des briques mises en dégradé, ce qui demandait un certain doigté surtout pour la réalisation du faîte*, je construisais des maisons sans relâche en n’y oubliant jamais le WC, élément manifestement capital à cet âge où tes besoins primaires te paraissent sans doute essentiels.
Cet entraînement intensif me valut les galons de "constructif" aux scouts et l’incitation appuyée de ma mère pour que je devienne architecte avec résultat positif à la clé.

Et c’est il y a 30 ans quasi jour pour jour que je pus passer à l’exécution pratique en grandeur nature d’idées architecturales forcément géniales grâce à l’acquisition d’une ruine millénaire trouée de bas en haut et terreau d’un bouleau volontaire.
Même pas peur.
Un mari ingénieur électronicien, une foreuse et une scie sauteuse basiques, bien entendu un marteau et l’inconscience de la jeunesse allaient braver les yeux atterrés parentaux et ces tonnes de moellons calcaires qui ne demandaient qu’à choir.
Premier travail, remplacer les arrières-linteaux pourris et passer de la théorie au concret dans la consistance du mortier parfait mélangé à la pelle sur le béton de la cour et de la maçonnerie stabilisée, en s’arrachant la peau de tes doigts d’intellectuelle.
En six mois, les lieux étaient habitables selon les critères de néo-trentenaires, on aimait encore le camping, et la poussière permanente permettait de réduire la tâche nettoyage, bien vaine, au strict minimum qu’exigeait un enfant de deux ans !

Une amie m’avait dit, fais gaffe, retaper une maison, c’est la mort des couples.
Pas faux.
Si encore Jeune Bobonne s’était contentée de s’occuper de ses enfants et de la logistique alimentaire mais non.
L’heureux mari avait besoin d’aide et le faisait savoir et puis Bobonne avait du temps puisqu’elle était indépendante !
Bref !
Le bricolage nécessite, outillage performant que nous n’avions pas, muscles et motivation dont notre jeunesse était encore pourvue et ordre et méthode, qualités absentes chez l’homme qui très clairement croit au rangement automatique et miraculeux du matériel !
Systématiquement, tout travail commençait par un glanage, on ne peut pas dire mieux, de tout ce qui lui était nécessaire, ce qui sapait déjà le moral des troupes et celui de Bobonne en particulier, qu’elle a fragile quand les choses ne tournent pas comme elle veut !
Quelques jurons et engueulades plus loin, le faux-plafond se faisait, les raccords électriques ou sanitaire s’unissaient contrairement à l’ambiance.
Bon an mal an, en fait quinze ans plus tard sans divorce, la maison fut, on peut dire, finie.

On aurait pu s’arrêter là mais la grange était absolument à rénover, alors pourquoi pas un gîte, puis deux autres quand les menaces de licenciement pour cause de cinquantaine s’annonçaient ?**
Encore tellement d’opportunités d’augmenter un patrimoine au détriment d’une ambiance amoureuse inconditionnelle !
Oui, mon amie avait raison !

Ce fut dur, entre "Où as-tu mis mes outils ?" et la réponse "Dans l’armoire à outils !" et "Bordel tiens la plaque", "Mais merde, c’est ce que je fais !", les mots d’amour-haine fusaient sans fusion, je dirais même en déliquescence sentimentale accélérée.
Heureusement l’expérience et l’évolution de l’outillage, me permettait, telle une James Bond Girl, plutôt en training mité qu’en combinaison en cuir, les seins provocants sagement rentrés, une Makita foreuse sans fil d’une main et une Black et Decker visseuse sans fil dans l’autre, de réaliser une cloison en SLS 38/68 habillée de panneaux OSB3 rainurés languettés avec une efficacité redoutable pour mon âge qui devenait, malgré tout, avancé.
L’homme continuait à être performant à son corps âprement défendant dans l’installation électrique et les différentes tâches nécessitant deux paires de bras fussent-elles excédées.

Mais comme les investissements spéculatifs ne sont pas son fort, et que l’arthrose gagnait du terrain, après dix ans de trêve constructive, et par conséquent de disputes stériles, enfin pas tout à fait, ça laisse des séquelles, Bobonne décida d’aménager dans une autre partie de la grange, un logement adapté pour éviter de terminer dans un mouroir en train de baver dans sa chaise roulante. Ou du moins en reculer l’échéance.

L’homme fut clair : "Je ne ferai rien".
Bobonne en décida de même et de confier exclusivement à des professionnels l’aménagement de sa maison troisième âge personnelle.

Cela n’empêcha pas quelques interventions du maître d’ouvrage (donc Bobonne et son homme), au minimum l’évacuation d’années d’emmagasinement (voir "On ne sait jamais") et le transport de meubles à monter et autres protections de sécurité légale, la plupart des entreprises ne respectant ni la sécurité et encore moins leur planning.
Le tout, avec un équilibre et des muscles fatigués de part et d’autre, "Mourir, oui, mais vieillir..." nous chanta Jacques Brel !

Ce week-end fut l’apothéose, l’ambiance fut chaude, coups de maladresse involontaire dans la voiture, exaspération, bouderie et atmosphère de merde.

Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais eu un marteau à portée.

Je vous l’affirme : amis aux deux mains gauches en couple, certes, cela vous coûte plus cher mais quelle sérénité enviable !

Mais bon, quand le résultat est là, on oublie tous les aléas !

* Le faîte d'une toiture
** Et il fut bel et bien viré pour ses cinquante ans et dut former son remplaçant plus jeune.

A l’honneur des néo-sexas cette semaine, Carole Bouquet bien moins froide qu’il n’y paraît, outre la date de naissance, partageant les mêmes initiales avec Colette B. co-réthoricienne, consoeur, copine et écolo convaincue et accumulant les "co" : du latin cum, avec, entrant dans la composition de nombreux mots où il indique l’association, la participation, la simultanéité : coauteur, coexister, etc. ce qui la caractérise COmplètement !