Semaine S-32 : Scoute toujours!

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

patrouille.jpgLe scoutisme a une aura mitigée. Entre les passionnés et les détracteurs, il y a pléthore d’arguments.
Ceux des contre : espèces de fascistes, attardés, démodés, cathos, de droite, etc.
Ceux des pour : le monde merveilleux des vie en société, partage, altruisme, respect des autres et de la nature, engagement, tradition, etc.
Ceux des ultra contre : pédophilie, uniformité, beuveries (ce qui devient vrai) et sans doute bien d’autres critiques.

Avec une marraine adorée, Guide* du ceinturon au chapeau (dont j’ai hérité et maintenant bouffés aux mites) qui me racontait gaiement les aventures de ses années de bonheur scoutes, amicalement prolongées jusqu’à ce que la mort les sépare par son groupe "Les Joyeuses", je ne rêvais que de ça. Hélas, ma mère n’y voyait qu’aggravation potentielle de mon côté garçon manqué, elle qui me voulait, douce utopie, féminine et délicate.
Heureusement, au gré d’un voyage d’affaires auquel mon père eut la bonne idée de l’emmener, nous fûmes confiées à l’attention de la susdite tante Gaby. Je n’eus pas trop de mal à la convaincre de me laisser participer à une première "sortie" exaltante dans les bois et c’est ainsi que j’entrai aux "lutins" de l’Unité locale à 11 ans, mettant mes parents devant le fait accompli avec la bénédiction béate de « Renardeau ».gaby.jpg

Enfin inscrite, dès les premières réunions, j’aimai tout, cet esprit de groupe, ce respect de valeurs, ce premier camp, ce premier lit à monter, ce tellement exotique sac de couchage, les jeux forestiers et plus que tout, ce moment de communion parfaite qu’était la veillée.
Ayant l’âge, je "montai" dès l’année suivante aux Guides.

Vous vous gaussez ?
C’est que vous ignorez.
Pour répondre à quelques questions :

- Avions-nous des poils au mollet et au menton ?

Pas plus que d’autres et justement je rencontrai des "vraies filles" qui, malgré la rusticité de l’équipement, pouvaient rester coquettes même les pieds dans la boue.
Ce n’était pas mon cas, mais j’apprenais.

- Étions-nous capables, pauvres femelles, de survivre en milieu rude, faire des assemblages et monter des super-structures avec du bois et de la ficelle comme les scouts, mâles, sous-entendu ?

Évidemment ! Quels souvenirs que ces lits surélevés dans une tente pourtant très classique et cette démonstration époustouflante de notre patrouille , les "Panthères : en éveil !", qui fit même une table en rondins avec bancs intégrés, surmontée d’un vaisselier et prolongée par un "feu sur table"**, une vraie cuisine équipée au bord de la Semois dans le justement bien nommé village de La Cuisine ! J’y acquis définitivement mes galons de "Tchickarra constructif", spécialiste du nœud plat indéfectible, exultant d’atteindre la perfection du brêlage à la corde esthétiquement alignée et serrée et à la construction indestructible.
Oui, la modestie n’est pas mon fort.

- Ce n’est pas chiant de déféquer dans la nature sans intimité ?

Ben si, justement, c’est pour ça qu’on excavait et installait la feuillée.

- Mais qu’est-ce ?

Un trou creusé avec une pelle militaire pliable de nos petits bras féminins néanmoins musclés et volontaires, encadré de poteaux habillés de toiles de jute millésimées dont la prolifération de bactéries devait affoler tout laborantin. Sur le trou, un tréteau en rondins servant d’assise, à côté, le tas de terre dont on puisait la pelletée écologiquement couvrante. Pour les timides, musique d’ambiance distrayante assurée par le vrombissement de mouches à caca par l’odeur alléchées.
Certes, constipation garantie pour les pudiques émotives dont je n’étais pas, mon corps préférant apparemment expulser rapidement que gonfler dans d’atroces souffrances.

- C’est quoi ces conneries de lever au drapeau et de promesse ?

A l’époque, c’était pompeux et formel mais pur et idéaliste, pas du tout excessif comme maintenant ce genre de manifestation, oui les paroles étaient "limites", vouées aveuglément à la patrie et à Dieu. J’ai survécu à l’endoctrinement, parce ça n’en était pas, dans le sens extrémiste du terme. Pourtant combien était irréaliste ce moment solennel où tu chantes pendant qu’on lève un bout de tissu tricolore qui est censé dire que l’union fait la force ?!

- C’est pas neuneu un feu de camp ?

Tu rigoles ? C’est juste un rassemblement de jeunes frigorifiés dans le dos et cramés sur le devant chantant des niaiseries éculées dans un bel enthousiasme accompagné de guitares désaccordées et de musiciens éternellement débutants, moi par exemple de ces temps-là ... à nos jours.
Non mais, c’est super, vraiment !

- Quels ont été tes meilleurs moments ?

Tous en fait, sauf le "hike", moment redouté précédemment évoqué. Autant le jeu de piste, motivant mon corps à pas mal d’extrémités physiques par le cerveau alléché, me plaisait, autant la marche sans distraction m’épuisait ! Cette réticence à parcourir un long ruban d’asphalte entrecoupé de sentes bucoliques s’arrange manifestement avec l’âge.
La "journée à l’envers", réveillées par des chefs grattouillant la guitare autour d’un feu de camp matinal, servant une casserole de spaghettis dès l’aube pour terminer à la brune par du cacao et des tartines et la détestée gymnastique en pyjama, m’a toujours amusée par sa sorte d’anarchie salvatrice !’’

- C’est pas bien un jeu de nuit, on perturbe les enfants et on emmerde les riverains, non ?

Oui, c’est ce qu’on dit actuellement si j’en réfère aux bons conseils politiquement corrects de la fédération.
Pour les riverains, je confirme, ça fait du bruit ! Mon voisin propose un endroit de camp mais chaque fois que je suis réveillée, je ne peux m’empêcher de sourire en me rappelant tous ces beaux souvenirs de nuits obscures à faire peur bien plus saines à mon avis que celles passées devant des jeux vidéo largement plus effrayants !
D’autant que ça se terminait par un vin chaud et vous l’aurez compris, Bobonne n’est pas la dernière à apprécier le divin breuvage !

Ah ! Mince ! C’est peut-être de là que vient ce goût !

* Guide : traduction francisée et féminisée de scout soit "éclaireur", avant-gardiste quoi !
** Feu sur table : variante élaborée du feu creusé en terre avec grille sur lequel on cuisinait en patrouille à savoir creuset en terre recréé sur la table ! Vous pensez bien qu'une scoute moyenne est la reine du barbecue mais évite bien de le faire savoir !

Cette semaine j’envoie un bisou à M., guide, qui a préféré choisir il y a 10 jours de ne pas atteindre ses 60 ans, cap franchi, je l’espère heureusement, par Marie-Paule, docteur en biologie, co-réthoricienne et ayant rejoint sur le tard ma bande de guides "Horizon", mais cela est une histoire à venir...

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