Semaine S-9 : Voyage, voyage ...

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

taiwan.jpgCette période de transhumance me semble judicieuse pour parler d’une de mes activités préférées durant ces presque six décennies.
Enfant, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui nous sortaient de Belgique mais pour pas très loin, Suisse, Espagne et bien entendu, le jardin d’Eden des belges, la France ! On ne peut pas dire que c’était la grande aventure mais de suite j’ai apprécié observer comment d’autres vivaient et ressenti l’impérieux désir de voir ça de près ... partout.

Quand à 22 ans, j’eus l’opportunité de participer à "La course autour du monde", je pus élargir très nettement et rapidement le champ de mes découvertes puisque j’étais tenue de parcourir les cinq continents pendant cinq mois tout en devant réaliser un documentaire en Super 8 chaque semaine.

Seule.

La solitude n’était pas du tout ma tasse de thé et le défi était conséquent pour quelqu’un qui n’avait jamais filmé ni pris l’avion ni même un verre et encore moins allée au restaurant ainsi qu’à l’hôtel en solitaire. Je découvris très rapidement le plaisir de voyager seule, même avec un objectif exigeant à tenir en sept jours, je ne me suis jamais sentie aussi libre.

Une fois passée l’absurde gêne d’entrer seule dans un établissement, que j’avais pu choisir sans devoir faire de concession, bien calée dans un coin avec vue panoramique maximale, je pouvais commencer à observer et écouter sans vergogne. Évidemment à cette époque je choisissais le lieu de mes agapes dans la gamme "routard" et mon petit plaisir était de deviner rapidement la nationalité des clients en attendant qu’on me serve des mets plus prometteurs les uns que les autres bien loin des habituelles banalités belgo-italo-françaises culinaires.

Outre le fait qu’il était nécessaire que j’aille vers les locaux (les gens, bien entendu) pour trouver un bon sujet, n’étant pas timide, je pris vite le pli de m’adresser à quiconque me souriait ! Quand je repérais du francophone (par facilité) ou de l’autochtone sympathique, il n’était pas rare que j’aille carrément dire bonjour et entamer une conversation. J’étais rarement éconduite, il y a une forme de communauté bienveillante entre routards.

De contact en contact même par delà les frontières, je fis des dizaines de rencontres provoquées mais d’autres vinrent spontanément vers moi, tellement je transpire l’extravertisme sans doute ;-) !
japon.jpg C’est ainsi que dans le bus me menant de Tokyo à l’aéroport, une charmante japonaise, bravant la retenue typiquement nippone, vint spontanément s’asseoir à côté de moi, juste pour avoir l’opportunité de parler anglais (la pauvre, vu mon niveau, mais je m’appliquai) puis m’accompagna à Kyoto pour les deux jours que j’y passai et où je pus "sortir" avec mes nouveaux amis japonais.
Même aventure dans un pays, lui aussi réputé pour une certaine froideur et pourtant la finlandaise Eija, qui m’aida à m’y retrouver sur le quai de la gare de Turku, m’invita carrément chez ses parents (qui apprécièrent moyennement mais courageusement) au retour, ce qui était vraiment mieux que l’auberge de jeunesse de Helsinki qu’on devait évacuer de 9 à 18H00 par moins 15° C !
Cinq ans plus tard, en été cette fois, c’est un autre finlandais, rencontré à une des rares activités festives du pays du soleil de minuit, certes un peu aviné, qui nous offrit sa pelouse pour planter notre tente à Phil et à moi, sa moitié l’engueula bien proprement, la courte nuit enfin tombée, mais nous invita le lendemain à petit-déjeuner ensemble avec beaucoup de gestes pour nous raconter nos vies.
Mais, outre les 24 heures passées dans un camp de réfugiés de boat people géré par Taïwan, où, accueillie en VIP, il me fallut du temps pour comprendre qu’il faut laisser de la nourriture dans le bol sinon on vous ressert, l’invitation la plus extraordinaire de ma vie fut quand deux employées de la banque où je venais de retirer une coquette somme téléphonèrent dans ma chambre au YMCA pour m’inviter à venir déguster de la "delicious chinese food" dans un des meilleurs restaurants de Taipei, ma première fondue chinoise, expliquée par des chinoises, on se découvrit, on rit, inoubliable ! Alors que j’avais probablement retiré l’équivalent de plusieurs mois de leur salaire, elles m’interdirent de payer, puis toutes les trois, nous promenant, bras dessus, bras dessous, elles m’achetèrent une bague en jade qui me plaisait, j’ai finalement réussi à leur offrir une glace dans un tea room !

Comme quoi, il faut faire fi des a priori sur les caractéristiques prétendument nationales puisqu’il n’y a qu’une seule race humaine, l’homo sapiens*!

Cette communication rapide, sincère et souvent profonde a laissé des traces.
Durant toutes ces années, je n’ai pu que constater que la plupart du genre humain aime à rencontrer l’autre et ces, souvent soirées, s’avèrent brèves mais mémorables.

Ce moment improbable au milieu du marché de Banjul (Gambie) où Aurore et moi avons taillé une bavette avec le quasi chef des lieux entouré de ses femmes ou cet autre dans le village de Goma dans le parc du Kafué (Zambie) où j’ai tracé dans la terre l’Afrique et l’Europe pour expliquer où on habitait à un auditoire également féminin et intéressé.
Ce voyage en taxi de Saly à Saint-Louis (Sénégal) où pour rentabiliser son trajet, le taximan emmenait sa femme dans son village à mi-chemin, qui apportait du yet parfaitement faisandé** qui dégageait une odeur délicieusement pestilentielle, la tête hors de la fenêtre, j’ai cru mourir.
jamaique.JPG Cet après-midi dans le ghetto de Montego bay (Jamaïque) où je pris des photos de toute une famille qui m’accueillit avec gentillesse, moi la riche blanche. Alors que je suais des pois, je n’osai refuser la grenadine toute fraîche sortie de nulle part et qui risquait de me filer une tourista magistrale, heureusement mon système digestif est très résistant et apte à assimiler presque n’importe quoi !
Cet échange enjoué avec des cheikhs sortis tout droit de "Tintin au pays de l’or noir" qui insistèrent pour que je dise, outre "assalamu alaykoum" et "shoukran", les quelques mots "utiles" en cas d’agression, que m’avait appris un ami marocain à savoir "rallini" (laisse-moi tranquille), "emshi" (va-t-en) plus ses jurons favoris, "nik moc" (baise ta mère), "nik arabak" (baise ton dieu), orthographe phonétique bien entendu.
Ça les a fait beaucoup rire !
Ces canadiens, un gros druide et un jeune crado, au français presqu’incompréhensible qui nous chargèrent dans une camionnette Daniel et moi pour nous conduire au lac Saint-Jean (entendre siiin Ran) et qui faisaient de la promo au mégaphone pour une manifestation dont on a compris le sens qu’une fois arrivés : Venez tous à l’hôtel xxx à Chapais, danseuses hyper sexy extrâââ !

Ces dernières années mes voyages furent moins aventureux, c’est certain que l’All-in ne pousse pas vraiment à la rencontre ou alors elle est souvent intéressée. L’insécurité ambiante inhibe l’ouverture aux autres et c’est bien dommage, nous ne pouvons que gagner à nous connaître.

Il y a bien quelques cons à éviter mais pour le reste, les voyages ne forment pas que la jeunesse, je continuerai donc !

* Y a-t-il des races humaines ?
** Le cymbium indispensable à la préparation du thiep bou dien plat national sénégalais.
Encore merci à toutes les personnes qui m'ont aidée et accueillie pendant mes voyages et avec lesquelles j'ai passé des moments inoubliables et trop nombreux pour les raconter tous !

Cette semaine c’est Melanie Griffith qui a passé le cap mais n’a malheureusement pas résisté à l’attrait du bistouri qui a peut-être effacé ses rides mais tout son côté pétillant aussi ! L’accompagne dans l’épreuve, Inès de la Fressange qui semble rester belle sans artifice ou alors le chirurgien est bien meilleur !