Saison 2.5 : #MeToo

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

metoo.jpgDans cette rue bourgeoise déserte, il avançait d’un pas sûr, les pans de son imperméable voletant, au moment de se croiser, je remarquai de suite que quelque chose d’autre prenait l’air. Sur le coup je trouvai comique qu’on oublie à ce point-là de remonter sa braguette surtout en l’absence de slip.
Il ne faisait même pas chaud.
Rentrée à la maison peu après ma sœur qui était encore en primaire, ma mère me demanda de suite :
- Tu n’as rien vu de bizarre ?
- ?
- Un homme ?
- Ah si ! C’était marrant, son zizi ballottait !
Enfin, j’ai sans doute dû dire balançait mais certainement pas branlait, en ce début d’adolescence, je ne connaissais ni le sens propre et encore moins le sens figuré de ce verbe.
Ça n’a pas traîné, un coup de fil plus tard et les flics débarquaient et nous eûmes droit à une visite exaltante de repérage du quartier dans le combi VW, on ne le revit jamais mais franchement, en fait, rien que pour la balade, j’aurais bien voulu recroiser pervers pépère !

...

Un peu plus âgée, je descends la rue familiale bien en pente et trois jeunes mecs la montent.
Celui que je croise, tend la main et je comprends directement son intention de faire "pouet-pouet" à cette partie charnue de mon corps qui s’était enfin décidée à pousser. N’ayant pourtant jamais mis le pied sur un tatami, ma mère renâclant en ce qui me concerne à tout sport risquant d’aggraver mon côté garçon manqué, je fus prise d’un réflexe salvateur en tirant violemment vers moi le bras fouineur d’une main et de l’autre saisis l’importun par son vêtement et aidée par la configuration du trottoir pavé, lui fis faire un quart de tour qui le projeta tout plat au sol. Ses deux copains et lui-même s’encoururent prestement sans demander leur reste en disant : "Oufti, elle fait du karaté !". Même si surprise de l’efficacité de cette prise de self-défense que j’avais improvisée, je n’étais pas peu fière d’avoir mis en fuite trois mauvais garçons .
Mon deuxième souvenir de harcèlement en est donc un excellent !
...

Je suis en Archi, un (bon) copain me croise et je ne sais pour quelle raison m’envoie une boutade et une claque, qu’il imagine amicale je suppose, sur le fondement, encore réflexe, il en reçoit cinq sur la joue et un bon coup de pied au cul, nous sommes malgré tout restés amis mais je doute qu’il ait recommencé avec qui que ce soit.
...

Après deux heures à lever le pouce sans succès en plein cagnard provençal, mes deux amies et moi désespérons de rejoindre l’autre moité de l’équipe à la ville de ralliement quand enfin une R4 s’arrête, elles, vautrées à l’arrière et moi qui fais la conversation avec le chauffeur, qui entre chaque changement de vitesse, appuie son bras sur mon siège.
Sa main s’approchant de plus en plus près de ma jambe, je recule vers la portière et jette un coup d’œil inquiet aux copines qui se sont endormies !
Pendant que son auriculaire commence subrepticement l’ascension de mon quadriceps, je me demande que faire, il va où nous allons, c’est loin et on a tellement attendu...
stop.jpg Pendant ce temps, lui et moi continuons la papote comme si rien ne se passait.
Mais la main grimpe trop, je la remets à sa place d’un geste décidé ce qui vaut un grand rire gras du conducteur qui en profite pour me filer deux claques sur la cuisse dans un tonitruant "Elles ont de belles cuisses les belges !".
Ça bouge derrière, je me retourne et lance des regards affolés aux copines qui ont du mal à comprendre mais mes yeux exorbités et les gestes et paroles du connard finissent pas faire tomber la pièce. Il est temps d’arrêter l’expérience. Enfin un feu rouge, dans un accord mutique et une belle harmonie, chacune par une porte, nous déguerpissons avec célérité !
Ouf ! J’ai eu chaud.
...

Cette fois-là, nous avions dérogé à nos principes de précaution, nous n’étions que deux et avons accepté de monter alors qu’il y avait deux hommes, mais l’espèce de Buggy* était trop tentant et nous menait directement à destination.
Les premiers kilomètres, assises sur le capot, cramponnées à la barre, cheveux au vent sous les platanes qui défilaient, musique et rires, tout était parfait.
En l’inexistence du GPS, on lisait des cartes et on avait bien imprimé le trajet dans nos jeunes cerveaux de scoutes débrouillardes, aussi quand les mâles ont tourné à droite au lieu de continuer vers Orange, qu’on l’a fait remarquer et qu’ils ont bredouillé une excuse bidon, une lumière rouge a hurlé "alerte" dans les dites cervelles.
L’ennui c’est qu’ils roulaient vite et que la route secondaire était rectiligne et déserte.
A droite, un grillage bordant le chemin de fer, à gauche la garrigue en talus.
Ils n’avaient cure de nos protestations exigeant le retour ou l’arrêt et on étaient secouées, au propre comme au figuré, mais mon coude heurta providentiellement la barre et une impressionnante étoile de sang en jaillit.
Cela calma leurs supposées ardeurs et, devant mes menaces, ils nous déposèrent au milieu de nulle part.
Dès qu’ils furent hors de vue, j’eus l’intuition de nous planquer au plus vite, seule la garrigue était une option, c’est donc quelques mètres plus haut, tapies dans les herbes odorantes, retenant notre souffle, que nous les vîmes passer et repasser très lentement.
Puis l’attente.
Puis plus de passage.
Il nous restait à parcourir rapidement les 2, 3 km qui nous séparaient de la nationale et relever le pouce en croisant les doigts, ce qui demande une certaine souplesse, il faut l’avouer.
Ouf ! On l’avait échappé belle !
...

J’ai 22 ans, je suis crevée, hier j’ai quitté la France pour entamer mon tour du monde, premier vol de ma vie Paris-Bruxelles suivi de peu par Bruxelles-New York, et franchement se retrouver dans cet aéroport gigantesque où la première confrontation de mon anglais scolaire à tendance anglaise avec celui des bouffeurs de chewing-gum me laisse dubitative, but WTF**?
J’arrive néanmoins à prendre la bonne navette pour l’avion vers New Orleans.
A quelques kilomètres de ce monde du jazz que je ne verrai jamais, c’est de nuit que je dois comprendre où et comment trouver le bus pour Baton Rouge, coeur de la Louisiane, où je suis heureusement attendue, échange au téléphone archaïque à l’appui.
Ça y est , je suis dans un célèbre car Greyhound, je me couche et m’endors illico en chien de fusil sur une banquette totalement libre, tête côté fenêtre.
Et je rêve.
Et c’est érotique.
Et qu’on me tripote à un endroit que la pudeur m’empêche de désigner avec précision.
Et que je me réveille sachant qu’une jeune fille de bonne famille, d’éducation catholique comme moi ne peut pas avoir de tels rêves !
Et que j’ai raison.
Et que j’ouvre les yeux et que je me rends compte que traversant le couloir, un grand bras avec une tête d’afro-américain au bout, sa femme dormant benoîtement sur son épaule, se fait un petit plaisir en me grattouillant là où vous pensez.
Bing, bang ! Comme deux ressorts mes jambes se détendent en aller-retour assez rapides dans le but de lui casser le bras, l’épaule et idéalement la gueule.
Je prends mes cliques et mes claques (que j’aurais aimé lui filer en bonus) et change de siège pour me rendormir sereinement avec la tête côté couloir.
Alors que quatre mois d’aventures m’attendent, je ne vais pas m’effaroucher pour autant !
...

J’ai encore, à l’époque de ma splendeur, défendu et rattaché des pantalons de copines dont l’état éthylique pourtant léger les laissait se faire déshabiller à leur corps défendant, ci et là filé quelques baffes et coups de pieds à de libidineux salopards, mais il faut avouer depuis quelques années déjà, Bobonne n’a plus à repousser des avances, même civilisées.

Et là est bien le problème, le verbe "harceler" veut bien dire soumettre quelqu’un à de constantes sollicitations ou pressions, pour moi par les mêmes personnes. Il faut quand même faire la différence entre des agressions récurrentes et concentrées et quelques compliments même lourds.

J’avoue que j’ai apprécié ma dernière "drague de rue" dans un magasin en Martinique, clairement sans mauvaise intention, mais vraiment les "Oh ! Mademoiselle t’es bonne" suivis de "Sale pute" si on (enfin les mesdemoiselles en question) n’y répond pas avec un sourire sont inadmissibles.

Il y a du travail car le propos graveleux devient la norme.
Vive le retour à la galanterie et l’arrêt de la goujaterie !
On peut rêver.

Edit : août 2023, il y a des gens qui minimisent le baiser « enthousiaste » sur la bouche de Rubiales à la footballeuse Hermoso. Probablement jamais n’aurait-il embrassé un joueur mâle de manière si passionnée, à se demander pourquoi…

* Buggy : genre voiture pour péteux, on est faible quand on est jeune !
** What The Fuck : c'est quoi ce bordel ?

Sur la photo, à gauche, Gerboise Malicieuse, mon amie de l’époque qui a rejoint le club des sexas en juillet.

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