Semaine S-33 : Moi, sportive ?

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

sport.jpgC’est peu de dire que le concept de souffrir pour le plaisir m’est complètement étranger. Pourtant il paraît qu’au bout d’un moment on crée ses propres endorphines et que ça peut même devenir une drogue.
Personnellement, je préfère atteindre l’extase d’autres manières.

Comme tous les enfants, j’aimais tester mes muscles qui se renforçaient au rythme des entraînements ludiques que je leur faisais subir au gré de mes galopades, mes heures de vélo, mes escalades d’arbres et de tout ce qui pouvait être grimpé.
Mais du "vrai" sport je ne connaissais que celui que je voyais à la télévision quand mon oncle et son père s’excitaient, "penalty !", "hors-jeu !", sur le piètre score du Standard ou du Football Club Liégeois éventuellement laminés par le détesté R.S.C. Anderlecht, le dimanche soir devant le "Week-end sportif" ertébéen. Je ne pouvais pas manquer non plus ces interminables après-midi estivales où mon grand-père semblait se passionner, entre deux assoupissements, pour des gars s’appelant Eddy ou Raymond pédalant pendant des heures sur des routes de montagne surchauffées, un air de souffrance extrême sur le visage.
Je servais bien de gardienne de but pour entraîner mon cousin mais, quasi unique sport féminin reconnu (mais plutôt qualifié d’art), la danse classique ne m’intéressait qu’au travers des péripéties cinématographiques de Delphine dans les couloirs de l’Opéra de Paris*.

Bref, le sport pour moi, c’étaient les cours de gymnastique et de natation scolaires dont je garde surtout des souvenirs olfactifs divers allant de la transpiration au chlore en passant par le caoutchouc mouillé et l’odeur de pied transperçant mon délicat odorat. La gymnastique au sol m’emmerdait copieusement, les exercices aux engins me foutaient généralement la trouille et ce n’est pas là que j’appris à nager.
Les "hikes" obligés aux scouts m’ennuyaient prodigieusement, je crois que les enfants n’aiment pas marcher, ne voyant pas l’utilité ni l’intérêt de se fatiguer pour aller d’un point à un autre si lentement, c’est manifestement avec l’âge que vient ce goût, sans doute pour se rassurer de pouvoir encore le faire !
En hiver, nous allions bien patiner sur glace en famille le dimanche mais à cette époque, il n’était pas si courant de mettre son enfant, surtout une fille, à une activité sportive et sauf le court passage par le basket (cf. "Petite" !) donné en heure sup’ à Ste Vé, j’aurais pu ignorer longtemps les joies du sport compétitif.

Néanmoins, dans les seventies, le sport commençait à être de plus en plus une affaire de fric et non plus d’amateurs, donc on le diffusait de plus en plus sur le petit écran et particulièrement le tennis obtint une aura certes un peu élitiste mais combien passionnante.
Comment résister, pendant la "bloque"**, à une quelconque distraction ? C’est avec une coupable passion grandissante que je me mis à regarder les après-midi tennistiques jouissivement interminables de Roland Garros, m’évadant avec quelque remords quand même, d’heures de révisions studieuses.

Passer du sport en canapé à la réalité peut être cocasse.

Habituée à la pratique du seul jokari sur la digue de Knokke, je fus confrontée à un premier test grandeur nature au très huppé Royal Zoute Tennis Club emmenée par mon boy-friend de vacances qui y avait un abonnement. Attifée comme une provinciale par ma mère avec une jupe plissée à carreaux mauve (à elle, donc qui me tombait aux genoux), de boots (faux) kickers beiges aux pieds (la basket n’était pas encore devenue le must universel donc je n’en possédais pas préférant les tongs en toute circonstance si possible) et équipée d’une raquette en bois Donnay au cordage distendu, je dus être remarquée parmi la "High Society" locale. Bien que bon péteux, mon petit ami n’en eut cure et devait être très amoureux pour ne pas pisser de rire devant cet accoutrement qui n’avait rien de tennistique d’autant que ma technique s’avéra n’avoir d’égal que ma tenue !

Je persévérai, le tennis, j’aimais ça, autant pour le côté technique et stratégique que pour ses sollicitations intenses mais courtes. En même temps, un match de deux heures et demie, il faut pouvoir tenir mais se reposer tous les deux jeux convenaient à mon tempérament "souffrance-exclue".
Qu’est-ce qu’on rigolait aux interclubs car après l’effort, le réconfort, le verre de la gagnante, le re-verre de la perdante, les verres des capitaines qui te faisaient perdre pendant l’After, tout le bénéfice de l’énergie dépensée mais te ramenaient heureusement vers le besoin d’une dépense physique quotidienne salutaire dite l’entraînement !

Certes, avoir un corps fuselé répondant au quart de tour à toute stimulation est agréable, mâter voire caresser biceps, pectoraux et abdominaux tablettés est totalement plaisant et je n’en élude pas la suavité, mais je ne comprends pas le sport d’endurance qui te laisse essoufflé, en sueur, au bord des crampes et les muscles endoloris.
Quoique, quand on voit ce que certains gagnent, on commence à comprendre que certains abandonnent leurs études pour se faire mal !
- "Euh, ouais, c’était dur, j’ai donné mon maximum et j’ai quand même gagné", "Si on aurait pu on aurait plus couri et on avait marqué", "Le vent était contraire, la balle mauvaise et l’arbitre un pourri" !
Ça fait rire, il faut dire que les athlètes n’ont pas bonne presse auprès des intellectuels mais pourquoi leur en demander plus que faire vibrer les amateurs et autres sportifs en chambre ? Même si l’élégance n’y était pas, Kevin Debruyne a très platement et très justement résumé la situation quand on reprocha à l’équipe belge une victoire sans panache aux JO 2016, en substance : "on a gagné, le reste je m’en bats les c."***!

Entre le musculaire aux yeux rapprochés et au cerveau de petit pois éructant sur son arène entourée de supporters décérébrés vociférant et le dandy aux mocassins à frange déambulant de par en par dans son caddy motorisé, le club à la main, il y a évidemment tout un échantillonnage de sportifs tous très méritants et loin de moi l’idée de critiquer aveuglement, simplement j’ai un peu de mal quant à la médiatisation et les enjeux pécuniaires du sport qui mènent à des extrémismes inacceptables.

Mon vieux corps de Bobonne bientôt cacochyme ne veut malheureusement plus du tennis et plus tellement des longues marches dont j’avais fini par apprécier, privilège de l’âge, la découverte progressive de nature et villages typiques.
Il reste la natation qu’à partir de la bonne saison je pratique quotidiennement car bien entendu mon esprit restera sain si le corps l’est pour que j’écrive encore en faisant sourire voire émouvoir si possible!

* L'âge Heureux : feuilleton français de 1966
** La bloque : en Belgique, période pré-examens où les étudiants sont censés réviser toutes leurs matières avant la session d'examens proprement dite.
*** Un exemple typique d'une interview de sportif que ça fait chier, je tiens cependant à le féliciter de son niveau de français, bien incapable que je serais de m'exprimer aussi bien en flamand.

Pensées à Patricia Lavila (L’amour est toujours en vacances) et ma co-rhétoricienne Brigitte De R. fonctionnaire culturelle géniale, enthousiaste et créative, fort probablement sous-payée, qui ont carrément basculé sexa ce même 23 février. Ce co-anniversaire te va bien je crois, Brigitte, jeune mariée que tu es !

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