Saison 2.20 : Ordre et méthode

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

meli-melo.jpeg"C’est voluptueux, de ranger ; mais c’est tuant." Françoise Giroud*

Cette satisfaction de passer du capharnaüm à un ordre militaire m’est bizarrement chevillée au corps.

Bien que je renâcle à m’y mettre, car effectivement, ça demande un investissement en temps proportionnel au laisser-aller que mon état naturel de procrastination dans le domaine induit ; une légère excitation m’envahit quand enfin le corps suit le cerveau et m’incite à passer à l’action.
En effet, la jouissance de vêtements rangés par genre, couleur ou même taille vu les fluctuations pondérales de leur propriétaire, la facilité de repérer livre, disque ou CD classé par ordre alphabétique, le soulagement de trouver la clé de 10 là où elle est supposée être, sont d’agréables sensations bien éphémères pour Bobonne puisque comme les coquelicots fraîchement cueillis, elles ne durent que l’espace d’un instant, celui qui suit immédiatement le rangement rapidement ruiné par des mains indélicates et totalement rétives à toute remise en place.

Car là où la raison et la méthode perdent toute cohérence c’est quand c’est un mâle qui doit ranger, enfin, ne généralisons pas, le mien.

Prenons la cuisine, comment expliquer que l’homme sache trouver le verre qui l’intéresse mais soit incapable de le ranger au bon endroit, est-ce psychorigide de ranger les verres par type et bien alignés voire superposés si leur profil le prévoit ?

Quant aux couverts, mystère.

Ce qu’un bébé d’un an ferait en suçant son pouce, ranger les fourchettes avec les fourchettes, les cuillères avec les cuillères et carrément en différencier les tailles et éventuelles couleurs, semble insurmontable à l’homme qui manifestement s’amuse à un substitut de lancer de fléchettes où la victoire réside en la performance de pouvoir refermer le tiroir sans accroche.
Mais pas de pouvoir le rouvrir.
Relisez mon infructueuse diatribe sur le rangement du lave-vaisselle qui apparemment est un rébus insoluble faisant passer le Rubik’s Cube pour un jeu d’enfant.

L’armoire à vêtements semble quant à elle servir de panier de basket ou chaque étagère doit certainement gémir un tilt en vomissant son contenu quand elle arrive à saturation.
Pourtant Bobonne, elle-même lassée de ses stériles récriminations pourtant précédées d’explications didactiques et enjouées, mais immanquablement ignorées ; avait cru vaincre le handicap marital grâce à des inscriptions au marqueur indélébile sur les chants des étagères et leurs parois avec flèches indiquant : pulls coton, pulls laine, pantalons de ville, jeans, chemises d’été, d’hiver, etc. Hélas ! Même les tiroirs à chaussettes et slips ont rarement accueilli leur contenu espéré suscitant des mariages impossibles qui expliquent sans doute certaines disparitions.
- Mais qu’est-ce que ça peut te foutre ? Fous-lui la paix, c’est son problème !
- Oui, mais non !
Quand tu es réveillée ou simplement indûment dérangée parce qu’"il n’y a plus ni slip ni chaussettes ni même pantalon propres" (alors que les paniers à linge sale sont aussi vides que sont remplis ceux des repassés mais à ranger ), ça te donne des envies de transit intestinal accéléré !

On pourrait imaginer, avec un soupçon de sexisme, que le rangement des outils est l’action où la virilité s’exprime dans un domaine qui l’intéresse enfin.
Quand un entrepreneur ouvre fièrement sa camionnette aux rayonnages alignés parfaitement ordonnés, les tournevis suspendus à la Dalton Brothers , les cruciformes et allen narguant les torx et méprisant carrément les plats obsolètes, et les boites de vis classées comme un damier multicolore où chaque modèle est soigneusement collé sur la face ; l’émerveillement m’étreint, rapidement tempéré par une tornade de jalousie !
Combien d’heures presqu’obsessionnelles, n’ai-je pas passé à les ranger en compagnie bien distincte de boulons, chevilles et clous ?
En vain, malgré les mallettes professionnelles les plus compartimentées, je finis toujours par en retrouver une poignée mixte dans un bol (qu"on" a pu trouver bien rangé dans la cuisine), jetée au fond de "sa" boîte à outils ou carrément dans le filtre de la lessiveuse !
Quant à l’état dudit coffret favori, compter d’abord un quart d’heure pour le retrouver, sa farfouille tient de la pêche au canard où au bout d’un autre quart d’heure, le gai bricoleur extirpe l’outil espéré ou, le plus souvent, me demande où "je" l’ai mis.
Imaginez ma zénitude dans la réponse.

Mais ce n’est pas tout.

Fils et père réunis, la situation frise l’apocalypse. Comment imaginer que pour un nettoyage (terrasse du gîte), ils arrivent à exhumer trois raclettes évidemment finement rangées voire consciemment planquées (Bobonne devient parano) et à les abandonner dans trois endroits certes proches mais bien différents ?
Quand au bout de 10 minutes de recherche, ta technicienne de surface te demande où est l’ustensile et qu’après 10 autres minutes tu trouves un plus ancien dont personne ne veut parce qu’il racle mal, ton tempérament qui peut monter dans les tours par suite de contrariété absurde, atteint un degré qu’il faut bien lénifier puisque les sujets de ton ire sont au travail.
Mais bon, merci les portables, j’ai quand même la possibilité d’éructer quelques postillons agressifs par micro interposé.

Bobonne ne sait plus quoi faire surtout quand elle voit sa mère devenue complètement monomaniaque sur la position exacte de ses table et chaise dans sa maison de repos et de bien d’autres choses dont je vous ferai grâce.

Lâche prise Bobonne !

Facile à dire !

Rogntudju !**

* En tant qu'adolescente, Françoise Giroud fut pour moi la première femme politique que je remarquai et admirai, quelle classe ! Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la Condition féminine de juillet 1974 à août 1976, elle lance cent une mesures en faveur des femmes : mise en place de droits propres, lutte contre les discriminations, ouverture des métiers dits masculins, ... D'août 1976 à mars 1977, elle est secrétaire d'État à la Culture et n'a que le temps d'entériner des décisions prises avant elle : loi sur l'architecture du 31 janvier 1977, création des DRAC.
Elle n'a certainement, comme personne, pas "tout bien fait" mais pour en savoir plus c'est ici.
** Le "Nom de dieu !" de Gaston Lagaffe

Un bon anniversaire à une de mes lectrices les plus motivées à m’encourager, Christine C.Z., que je ne connaissais pas avant la mise en ligne de mes élucubrations, qui m’a rejointe dans le club des néo-sexas.

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