...
A l’entrée de l’hôpital, malgré la pénombre, le gardien la salue d’un grand sourire.
Elle a hâte que les longues journées reviennent, c’est quand même plus gai de se lever à 4 heures du matin au son des gazouillis aviaires !
Pas de souci pour se garer pratiquement en face de la supérette qu’elle gère avec plaisir depuis déjà cinq ans.
Après avoir tapé le code, avant même d’enlever sa doudoune, elle allume le four puis relève les stores devant les comptoirs frais ouverts.
Petit passage au bureau pour allumer le PC et les néons s’alternant comme des tirets le long des rayons.
Vite, aller chercher quelques boîtes de couques et baguettes précuites dans la chambre froide et, de ses ongles parfaitement manucurés également rouge vif, les aligner sur les grilles avec le plus de rentabilité possible en attendant le préchauffage.
Le reste s’enchaîne dans un rythme soutenu.
Arrivée de son employée.
Ouvrir au livreur de boulangerie fraîche puis à celui du sec.
Rangement dans les paniers et enfournage des croissants.
Il faut déjà commencer les sandwiches, elle déteste et se déleste sur Lisa, après tout, c’est la gérante qui décide !
Scanner les rayons presque vides, faire les commandes avec ce … de logiciel qui fonctionne une fois sur deux mais elle préfère encore ça aux cuillerées de mayonnaise à étaler !
7 heures, ils sont déjà là agglutinés devant les portes vitrées, impatients et alléchés par la délicieuse odeur de viennoiseries qui se répand dans tout le hall du CHU.
Tous vont prendre leur service et ont besoin de calories pour surmonter le stress.
Les malades, c’est pour plus tard, enfin, presque tout de suite.
Vers midi, arrivent les affamés qui n’ont pas voulu, surtout pu, préparer leur déjeuner.
Elle les connaît tous, a un mot gentil pour chacun et là, entre les portes automatiques s’ouvrant presque théâtralement, apparaît un grand blond à la démarche chaloupée.
Montée d’adrénaline.
Coincée derrière sa caisse, il ne va pas la rater.
Pourvu qu’il ne la reconnaisse pas !
Heureusement, son bonjour est distrait, il regarde rapidement son smartphone puis le passe sur le terminal, son sachet de pains au chocolat dans l’autre main.
Ouf !
N’empêche, le revoir lui monte une bouffée de chaleur incontrôlable.
...
Pâques 2004, ils étaient en voyage de rhéto à Amsterdam.
Toujours sur le même banc en cours, là sur la banquette fatiguée du car, ils aimaient s’amuser ensemble, ils avaient l’impression que personne ne les comprenaient, qu’ils étaient différents.
Elle aimait lui dire que chez lui, c’était comme pour les crevettes, qu’il n’y avait que le corps de bon.
Il aimait lui répondre d’arrêter de se dandiner avec des Converse, c’était anachronique.
Ils se bidonnaient pour des riens.
Les meilleurs amis du monde.
Alors que la plupart étaient dans les coffeeshops à fumer ce qui leur était interdit chez eux, en compagnie de certains profs pas contraires pour le coup, ils s’étaient esquivés pour flâner dans les ruelles, non sans avoir dégusté un petit cake qui fait rire.
Même au milieu des dealers, la Venise du nord semblait sans danger, sans doute grâce aux vélos, au clapotis rassurant des canaux et au reflet des réverbères sur les quais créant de petites touches lumineuses impressionnistes.
Du Van Gogh.
C’est là que Paul repéra un bar gay.
- Chiche ! On y va ? s’enthousiasma-t-il.
- Euh, il y a des filles ?
- Tracasse ! Qu’est-ce que ça peut faire ?
- Tu restes près de moi, hein ?
- Je vais te couver Vic ! dit-il dans un gloussement gourmand.
Ils avaient tous deux 18 ans depuis peu, enfin ils purent passer sans encombre l’étape du cerbère.
Le lieu était résolument vintage, pénombre, lumières tamisées localisées, petites tables encadrées par des canapés orange dans les recoins, bar où, manifestement, tout le monde aimait porter le cuir.
Aventura faisait balancer les couples avec son « Obsesión»" .
- Ça commence bien ! lui souffla Paul qui avait choisi espagnol 3ème langue.
Beaucoup d’hommes enlacés..
Un regard circulaire pour repérer des femmes.
Il y en avait mais elles dansaient ensemble également.
Elle se sentait mal à l’aise, entre attirance et rejet.
Paul revint avec deux Heineken, elle s’enfila une bonne lampée, en redressant le verre un peu vivement, la bière lui éclaboussa le nez.
- Ça c’est du baptême ! rigola-t-il en posant la main sur son épaule.
Frissons.
Vint le quart d’heure nostalgie, le DJ déversa le meilleur de Queen en commençant par « You’re my best friend » *
LE slow crapuleux !
Paul ne put manifestement résister, avec cet air malicieux qui lui plissait les yeux, il la regarda, et de ses lèvres charnues si appétissantes, lui souffla :
- On y va ?
- T’es fou ?!
- Personne ne nous connaît.
Impossible de résister.
Elle l’avait tant attendu ce collé-serré.
Sous la boule à facettes.
Une décharge électrique lui monta des pieds au cerveau, ses précédentes piteuses expériences n’avaient jamais produit cela.
Ils mêlèrent leurs nuques et cheveux.
Comme une découverte progressive, leurs lèvres suivirent le chemin pour se rencontrer.
Elle sentit son sexe se durcir contre son ventre.
Ce n’était pas convenable.
Chapitre 2 >
* You're My Best Friend Ooh, you make me live Whatever this world can give to me It's you, you're all I see Ooh, you make me live now honey Ooh, you make me live You're the best friend That I ever had I've been with you such a long time You're my sunshine And I want you to know That my feelings are true I really love you You're my best friend Ooh, you make me live I've been wandering round But I still come back to you In rain or shine You've stood by me girl I'm happy at home (happy at home) You're my best friend. Ooh, you make me live Whenever this world is cruel to me I got you to help me forgive Ooh, you make me live now honey Ooh, you make me live You're the first one When things turn out bad You know I'll never be lonely You're my only one And I love the things I really love the things that you do You're my best friend Ooh, you make me live. I'm happy, happy at home You're my best friend You're my best friend Ooh, you make me live You, you're my best friend.
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