Semaine S-15 : Au poil !

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

poil.jpgLa vie est mal faite, les dents tombent mais les poils repoussent.
Si mon père utilisait un rasoir électrique et s’aspergeait sommairement d’after-shave, mon grand-père était une fois de plus, passionnant à observer.

Son rasage était un cérémonial immuable, il sortait du tiroir son attirail et déposait tout sur la table de la cuisine, se nouait une serviette autour du cou après avoir rempli un bol où il amalgamait eau et savon jusqu’à obtenir un mélange parfaitement crémeux, le blaireau était prêt, de la boîte en argent sortaient le rabot et la petite boîte de lames Gillette, si nécessaire, il dévissait le capot pour en changer. Il humidifiait sa peau comme pour l’attendrir, trempait le blaireau dans la mousse non sans nous en mettre sur le nez s’il était d’humeur taquine, j’adorais ça.
Les yeux plantés dans le miroir de table deux faces dont une grossissante, il se badigeonnait consciencieusement les maxillaires, le contour de bouche et le cou jusqu’à ce transformer en père Noël. Arrivait la séquence de rasage proprement dite où les grimaces de Bon Papa, assez austère à la base, pour arrondir joues et lèvres me faisaient rire.
Rinçage, essuyage, petit tapotage d’après rasage, passage de la pierre d’Alun pour apaiser le feu du rasoir, il sentait bon et sa peau était douce pour le baiser du soir. Ma grand-mère était, quant à elle, malheureusement moins régulière dans l’épilation du menton.

Si l’homme a plus ou moins cette contrainte, la femme doit exhiber la gambette lisse, les aisselles glabres et le contour du maillot précis.
La traque du poil* de ma mère, persuadée que le rasage augmenterait sa pilosité très légère, était assez laborieuse, elle avait opté pour la crème dépilatoire, toute une affaire aussi, serviette sur le canapé, enduisage, attente, raclage et amalgame répugnant essuyé avec du papier hygiénique.
La pression sociale, les copines qui s’y mettaient aidant, il allait bien falloir que je pratique la chasse au poil aussi, bien que peu velue, après quelques essais de la méthode maternelle, j’optai rapidement pour le coup de rasoir jetable si vite fait et la pince à épiler pour extirper les rebelles dans une douleur paradoxalement jouissive.

Pendant ce temps, promue par les Beatles, la mode du barbu aux cheveux longs à la Michel Fugain ou Antoine cotoyait les rasés de près et même épilés des sourcils à la Cloclo.
De mon côté c’était la mâle toison virile qui m’attirait le plus, tandis que je dessinais inlassablement de beaux barbus chevelus blonds dans les marges de mes cours, Mamy, évidemment réac, trouvait que c’était "dégoûtant" cette mode hippie !
Si la belle moustache à la Magnum faisait des disciples, le menton net était quand même la norme jusqu’à ce que ce sacré Gainsbourg, toujours innovateur, affiche cette incroyable barbe de deux jours**, qu’il entretenait savamment, au point qu’on parlait d’une barbe à la Gainsbarre.

Pendant quelques décennies la coquetterie masculine s’est majoritairement concentrée sur sa chevelure qui est passée par toutes les longueurs et coupes avec ou sans gel et le crâne rasé est devenu tendance pour le plus grand bonheur de tous les chauves qui le plus souvent laissent pousser en bas ce qu’il n’ont plus en haut.

Mais depuis deux, trois ans, c’est la folie !

Il semble que pour être dans le vent, il faut porter la barbe, autant je peux comprendre les victimes d’alopécie soucieux d’arborer encore un maximum de poils en forme, autant beaucoup s’enlaidissent carrément. De beaux mentons carrés et volontaires disparaissent sous une broussaille pas nette, des bruns ténébreux laissent une pilosité roussâtre envahir leur mâchoire et de fringants quadras se vieillissent d’une barbichette grisonnante.
Je peux comprendre un laisser-aller vacancier mais la prétention d’une négligence feinte m’horripile comme ce dimanche Laurent Delahousse, la houppette toujours artistiquement dressée, qui affichait en interview du toujours classe Marc Lavoine (qui aurait bien tort de cacher sa jolie fossette), une barbe naissante pour se donner un air faussement négligé aggravant ses poses inspirées.

Ridicule !

In fine, voici les émules de notre Léopold II, les hipsters guidés par l’attrait du style (à prononcer à l’anglaise) ! J’ai beaucoup de mal à aimer cette abondance pilaire que je trouve peu ragoutante, heureusement ce foisonnement est souvent bien taillé !

Pendant que les poils frisent le hirsutisme chez les hommes, les femmes ne peuvent veulent plus en avoir un seul, sauf sur le caillou bien entendu, de ce côté elles rajouteraient volontiers postiches et extensions capillaires.
Mais du côté intime, ça ne frise plus du tout, sans vouloir mettre en étalon de beauté une touffe genre "L’origine du monde" peinture polémique d’un pubis fourni de Courbet, le maillot à la brésilienne, le ticket de métro à la moustache hitlérienne me font beaucoup rire et que dire de la mode de l’épilation totale de cette zone sexy, jeunisme inavoué ?

Actuellement, la révolution s’installe, et beaucoup de femmes revendiquent la libération du poil***, de tous les poils...
Eh oui, même ceux qui sont disgracieux selon les convenances sociétales, mais qui sait peut-être pourrons-nous un jour être libérées et délivrées des dictats esthétiques et être un poil naturelles ?

Comme d’habitude, j’essaie de documenter un peu mais ce sujet affole manifestement les rubriques, je ne sais quoi choisir...
* Le poil, le vilain petit canard de l’histoire
** Guide de la barbe de 3 jours et de toutes les autres barbes
*** La révolution commencera sous les aisselles
PS : avec toutes ces recherches, je suis inondée de pubs sur l'épilation !

Bon soixantième anniversaire à Christine M. co-réthoricienne et dentiste !

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