Saison 2.17 : Liberté chérie

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

cadenas.jpgÀ quel âge ai-je compris qu’il fallait obéir ?

Très tôt probablement malgré cette époque transitoire où l’enfant devenait prince mais pas encore roi.

Des tas de consignes et d’interdits à assimiler et heureusement à transgresser ; on devait être polis, respectueux, discrets, "les enfants sont faits pour être vus mais non entendus" ironisait mon père citant fièrement le sien, officier, que je ne regrette pas trop de ne pas avoir connu au vu de sa mine sévère et de sa moustache hitlérienne, conservée alors qu’il avait pourtant combattu le dictateur pour nous libérer (comme quoi la mode a de ces limites) !

Même si, en ville, je me rendais à l’école à pied depuis mes 8 ans, c’était mon seul trajet autorisé ; à la campagne je pouvais avoir une vraie idée de ce qu’était la liberté ; vers mes 10 ans, sitôt que je pus me déplacer à vélo, mon indépendance débuta enfin.
Que ce soit chez mes grands-parents ou en vacances à la mer, si je prévenais que j’allais faire un tour et que j’étais de retour aux heures de repas, il n’y avait pas d’interdit à ce que je parte vadrouiller.
Je pédalais sans fatigue malgré l’absence de dérailleur malheureusement réservé aux vélos de course, donc de garçon, dont la barre horizontale et les cale-pieds ne seyaient pas à l’enfourchement par une jeune fille, même en short. J’avais la taille, les muscles affinés et la soif de découvertes ; le Tagada de Liers recevait ma visite pour l’achat de bonbons, le petit magasin de Sart pour des petits gadgets, et ceux de Knokke me voyaient convoiter papiers crépons pour mon magasin de fleurs et peintures pour avions miniatures à assembler. Je squattais la ferme dès l’aube par ci, la plaine de jeux par là et effectuais des grandes balades jusqu’à Zeebruge ou le Zoute plus loin encore.

Sans casque, en slashes*.

J’étais seule, j’allais où je voulais, j’étais libre.

Je pouvais me déguiser en indienne, arabe ou asiatique sans que mes parents n’aient à justifier ces choix racistes au bureau de police.
On pouvait dire des horreurs à la télévision et s’y écharper en direct (Droit de réponse par exemple) sans devoir quitter le pays pour échapper à la vindicte populaire.
Plus tard, je troquai le cycle contre une mobylette Garelli et un casque et élargis très nettement le rayon de pérégrinations, sans permis nécessaire (mais on apprend vite après deux chutes), pas plus que d’examen pratique pour conduire une voiture ni de ceinture obligatoire à l’époque !

Temps béni de l’autodétermination !

En 1949, George Orwell, précurseur, décrivit dans 1984 une société complètement sous la coupe de Big Brother.
Je ne sais si je l’ai acheté ou trouvé dans la bibliothèque familiale mais j’ai dû lire ce livre une dizaine d’années avant la date fatidique fascinée par cette échéance somme toute très proche, même quand on est ado. Je me souviens d’un énorme malaise pour ne pas dire une angoisse à l’idée que tout ce que je faisais dans ma chambre, mon vrai chez moi perso, puisse être un jour contrôlé. Heureusement, l’horrible échéance m’est relativement passé inaperçue d’autant que ce fut l’année où je roucoulais à fond avec mon futur mari.

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai l’impression d’avoir toujours fait ce qui me plaisait, ce qui est un peu mon leitmotiv , faire ce que je veux, quand je veux, où je veux, comme je veux...
Paradoxalement je n’ai pas de problème à respecter us, coutumes et lois.
Mais là, en ce début de XXIème siècle, on est tombé dans une ère de "légalite" aiguë. Il suffit qu’un enfant trébuche sur un trottoir pour qu’on propose une loi contre les bordures, bientôt l’AFSCA débarquera en raid inopiné dans la cuisine de Raymonde pour contrôler le contenu de son frigo et s’il est bien A+++ ! On pourrait aussi interdire les contenants en verre pour les remplacer par des incassables, recyclables bien entendu, un accident est si vite arrivé !
On a même failli ne plus pouvoir utiliser ses propres graines pour réensemencer ses parcelles**!
On nous choisit les médicaments, la nourriture et les boissons qu’on peut ingérer et il faudra bientôt des vêtements avec label "sécurité anti-cancer" et des boîtes noires compteuses d’heures passées devant les écrans sous menace d’être jeté de la sécurité sociale déficitaire  !

Et si je veux être malade de mon plein gré moi ?

Haro sur l’infantilisation massive ! Pourtant interdire ne sert généralement à rien si on est bien éduqué au départ et est transgressé sans vergogne par les autres !
Sidérant, l’Allemagne songe à obliger chaque allemand à visiter un camp nazi pour lutter contre l’antisémitisme**.

Légiférons ! Bridons ! Obligeons ! Tout le monde sait que l’être humain adore être contraint !

1984-web.jpgEn plus de la légalite étatique, beaucoup plus pernicieux est le pistage internautique, le héros de Orwell s’appelle désormais Web et ses bras armés, Google, Facebook, Instagram, etc. ; de recherches en visites, des logiciels performants captent vos données, c’est vous qui devenez un objet à vendre, n’est-ce-pas une grave privation de liberté ?
Sans compter tous ceux qui s’offrent à la caméra pour se (faire) p(r)endre.

Le sujet est vaste et je n’ai pas la prétention d’en faire le tour, toutes les nouvelles lois ne sont heureusement pas liberticides, en Belgique en tout cas ; tout le monde y a le droit d’épouser qui il aime, d’avoir des enfants selon la manière qui lui convient, de se sentir dans le bon sexe et de mettre fin à ses jours, d’être libre de son corps et de sa vie en fait, sans causer préjudice à autrui cela va de soi.

À quel âge ai-je compris qu’il ne fallait pas toujours obéir ?

Très vite assurément, pas aveuglement en tout cas, et réalisant qu’il fallait toujours garder son libre jugement.

* slashes = tongs en belge (nom dû à la finesse de la semelle et au bruit produit lors de la marche, j’imagine)
** Le monopole des semences, une aberration !
*** Visite des témoins de la privation ultime de la liberté

Chacune ayant son histoire, j’en profite pour exhorter toute femme qui me lit, ou pas, à m’offrir un Billet Blanc, jusqu’à 39 ans, elle sera Babynette ; de 40 à 50 ans, Bobonnette ; de 51 à 69 ans, Bobonne et au delà elle aura le status enviable de Superbobonne !
Les sujets sont libres mais doivent être originaux (c’est-à-dire personnels), +/- 2 A4, une illustration libre de droit est souhaitée mais je pallie à son absence avec plaisir créatif.

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