Semaine S-1 : Etre mère

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

famille.jpgSi mon jeu d’intérieur préféré était Lego, les poupées avaient leur place à temps presqu’égal. En ces temps immémoriaux, offrir une poupée à une fille était je crois le premier cadeau qui venait à l’esprit et j’en ai donc eu plusieurs mais "mon" beau bébé presque grandeur nature pour lequel ma grand-mère cousait ou tricotait des vêtements c’était Eric que j’aimais plus que tout.
Je suis donc devenue mère bien avant mes six ans.

Il n’avait pas de sexe, juste un trou pour évacuer l’eau que je lui faisais biberonner par l’autre orifice percé au milieu des lèvres mais clairement une gueule de mec avec des cheveux courts peints en relief sur le crâne alors que ma mère avait reçu de splendides poupées filles articulées des paupières aux genous et coudes, aux visage de cire et cheveux naturels auxquelles, hélas, on ne pouvait pas toucher ni de toute façon faire faire pipi, phénomène pourtant fascinant pour une apprentie mère, même sans zizi, ni foufoune d’ailleurs, zone manifestement condamnée à l’ignorance et au rejet pudique !
Pour assumer mon apprentissage précoce, je reçus le beau landau et le berceau répliques miniatures de qualité, pas de plastique à l’époque.
Grâce à ma soeur, nous eûmes rapidement l’équivalent d’une famille nombreuse sur laquelle nous reproduisions ce que nous vivions, thérapie idéale pour évacuer frustrations, vexations et autres fessées typiques de l’éducation de l’époque. "Les enfants sont faits pour être vus et non entendus" disait, en souriant quand même, mon père, assurant qu’il tenait du sien ce précepte sentencieux.
Notre chambre commune était le théâtre de cette vie familiale parallèle et dès que je pus, je continuai à transposer mon quotidien en organisant une salle de classe. Création de petits cahiers individuels, craies, tableau, avec l’aide de mon assistante qui ne savait pas encore lire, je donnais cours en écrivant sur chaque feuille ce que je venais d’enseigner puis tout le monde rentrait à la maison et je cuisinais sur ma mini-cuisinière électrique (si, avec des vraies plaques et un four qui seraient proscrits de nos jours abusivement sécuritaires) compote, purée et autres mets délicieux dans ma petite batterie de cuisine en alu et service émaillé rouge et blanc.

C’est dire si je me suis exercée !

Je ne saurai jamais si c’est cette espèce d’exigence sociale inéluctable de la maternité ou un vrai besoin viscéral, mais être mère m’a toujours été un objectif incontournable au point de faire des tests débiles prévoyant le nombre et le sexe de ma future progéniture.
Et puis oui, après avoir trouvé un partenaire amoureux et consentant, je tombai enceinte.
Tomber enceinte, vraiment s’il y a une expression horrible ("pregnant" que je comprends comme "prise" n’est pas mieux en anglais), c’est celle-là, grimper serait plus approprié car outre le côté graveleux que je vous interdis d’imaginer, être mère est vraiment atteindre des sommets de sensations, ce qui est nettement plus positif.

Et ce, pendant des années.

Bon, je vous ferai grâce de la grossesse et de l’accouchement, par césarienne, pour simplement exprimer l’intense bonheur de contempler ce petit être qui t’a remué les entrailles pendant 9 mois mais aussi celui d’accueillir ce beau petit garçon que tu es allé chercher au bout du monde.

Comme étant enfant, je les ai nourris, habillés, aidés pour les devoirs mais avant tout ce que ne pouvaient pas faire des poupées m’était offert.
Leur rire, leur joie, leur peau douce, leurs bisous plus ou moins spontanés, leurs réussites mais aussi leurs échecs ont été mon quotidien nécessaire.
Du "non" des 24 mois aux critiques adolescentes en passant par la période bénie de l’âge de raison où ils deviennent autonomes sans te détester, chaque étape n’est qu’une construction de l’enfant comme du parent.

Amour, haine, colère, manque, désir, frustration, joie, fierté, regrets et j’en passe, tous les sentiments assaillent bienheureusement.

Voilà, ils sont grands, Bobonne est mère pour la vie mais commence sérieusement à avoir l’âge d’être grand-mère.
Oui, elle se remettra aux langes et aux vomis, en toute modération, mais aussi aura le plaisir de pouvoir être un peu folle et de laisser l’éducation rigoureuse aux parents, enfin.

Bobonne attend impatiemment sa ou ses grands-maternités, si possible !

Aimer n’a pas de limite.

Malgré mon apprentissage intensif de future mère, j'ai acheté en 1985 les deux volumes best sellers de Laurence Pernoud dont je me rends compte à l'instant où je vous écris,  que je me suis basée sur des conseils vieux de 20 ans ! Mais bon, avec réussite manifeste.

Ma néo-sexa de la semaine est ma co-réthoricienne Ch. Th., prof de math après HEC dont le franc parler (assez comparable au mien), tranchant toujours un peu avec la bienséance de notre école de bonnes sœurs, faisait régulièrement mouche.