Semaine S-30 : Les bras de Morphée.

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

sommeil.jpgCe divin éphèbe* m’a toujours touchée de sa grâce et je suis capable de m’endormir absolument partout. Je me demande même si je ne détiens pas un petit record de lieux insolites par rapport à la moyenne.
J’ai dormi sous tente, souvent, sous 20 cm de neige à Vielsalm, au milieu des myrtilles au Québec, y compris dans la brousse zambienne au plus près d’un feu censé éloigner les fauves, à la belle étoile dans les champs au son des cigales, sur des plages avec le ressac comme délicieuse berceuse, sur du béton dans le garage d’une cure, dans le hall de gare d’Avignon, sur des bancs publics, dans un sauna finlandais abandonné, hélas pas par le moustique qui me transforma la bouche en bec de canard !

J’ai somnolé en cours aussi, bras sous le menton, ou assise contre un mur à un concert riche en décibels, attendant ma fille et plus classiquement au cinéma ou au théâtre quand l’œuvre m’emmerdait copieusement, à l’hôtel bien entendu, le plus mémorable étant un boui-boui insalubre à Katmandou où mes vêtements empilés me servirent de couverture, la fenêtre ne pouvant se fermer et heureusement, vu l’odeur d’urine émanant de la toilette contiguë !

A part les deux roues, aucun véhicule n’a jamais bloqué ni inhibé mon sommeil, que ce soit en avion, en train couchette mais aussi par terre dans le couloir enjambée par les passagers sans que cela ne me trouble, enceinte en voilier vers la Corse sous un sérieux roulis, en felouque turque, dans un ferry en mer Baltique et bien entendu en voiture. Comme passager... et comme conducteur ! Heureusement une bordure salvatrice empêcha une issue fatale et, le pneu éclaté, je n’eus plus qu’à marcher 2 km, pour le coup réveillée !

Après des années de sommeil solitaire, arriva cette période tant attendue de vie en couple.
C’est le rêve, au propre comme au figuré, câlin préliminaire ou pas, on se love collé-serré, respirant en concert et changeant de position avec une simultanéité digne d’un ballet de natation synchronisée. On se réveille avec le sourire, l’haleine d’ail de la veille semblant presque un parfum.

Cette belle osmose des corps commence à se compliquer lors de la grossesse.
Si la réversibilité leste de l’emboîtement est déjà mise à mal par une lourdeur certes souhaitée mais combien handicapante, les pipis nocturnes et les nausées matinales n’arrangent pas non plus le sommeil. Ni de l’un, ni de l’autre.

dormir.jpgA la naissance de l’enfant, c’est carrément l’épuisement qui te fait succomber immédiatement dans le paradis onirique quels que soient le lieu et l’heure, généralement tardive et assise la tête renversée et la bouche ouverte dans le fauteuil d’où tu essayais enfin de voir un film jusqu’à la fin. L’idée est de ne pas perdre une minute de ce précieux temps de récupération.

Puis commence l’ère du chacun pour soi.

Le lit devient un champ de luttes intestines.
La couette n’est jamais assez grande ni assez enveloppante.
Dans cette chasse au confort, l’homme solutionne généralement le problème en prenant sa moitié pour un traversin confortable, laquelle recule progressivement pour respirer jusqu’à ce que la poursuite l’amène au bord du précipice obligeant la victime à faire le tour du lit pour se coucher de l’autre côté, celui qu’elle n’aime pas.
Avant cette extrémité, besoin d’éviter escarre ou bras endormi, tu as d’abord essayé de te retourner en restant sur place, voltige acrobatique uniquement possible tant que ton dos le supporte, puis tenté de récupérer un morceau de couette, l’être aimé y étant jalousement enroulé.
S’ensuivent pugilat et grognements qui n’ont plus rien d’amoureux !

Les années passent dans ces conditions peu propices au sommeil réparateur jusqu’à ce que la fréquence des visites aux sanitaires augmente parallèlement aux ronflements, les soucis articulaires et les horaires de plus en plus différents, départ des enfants aidant, tu te dis que ce n’est peut-être plus capital de partager ton lit.

Et enfin, à toi le luxe jouissif de t’étaler sur près de 4 m² selon ta fantaisie et les exigences de tes lombaires, plus de coups de pied involontaires ni de lacération de tes mollets par des ongles mal coupés !
Tu peux ronfler à ton aise sans être secouée ou sifflée et même recommencer à lire, plaisir abandonné depuis longtemps pour cause de récriminations appuyées.
Tu renoues voluptueusement avec ta couette comme il te chante, par dessus, par dessous, pied dehors, pied dedans, que du bonheur !

Et puis un jour ou plutôt une nuit, ce n’est pas un aigle noir qui te réveille mais un cerveau manifestement reposé et bien décidé à bouillonner sans fin ignorant égoïstement ton corps fatigué.
En variante, ta hernie discale se rappelle à ton bon souvenir.

L’insomnie.

Tu sens qu’elle ne te lâchera pas mais tu essaies de la gruger en respirant calmement.
Tu changes de position, chien de fusil gauche.
Tu ne veux penser à rien, tu ne peux pas résoudre tes problèmes à trois heures du matin.
Tu changes de position, dos.
Tu respires très profondément, hyper oxygénation, ça saoule normalement.
Tu changes de position, chien de fusil droit.
Lire, rallumer ta tablette ? Tu seras complètement réveillée.
Tu changes de position, ventre trois quarts, jambe gauche relevée.
Un peu d’auto-hypnose, tu t’imagines au bord de la mer, galopant en forêt et même volant.
Retour dans la première zone devenue fraîche, le froid favorise l’assoupissement.
Que dalle !
A ce stade, il te reste le somnifère.

Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie, n’ai-je donc tant vécu que pour ces insomnies ?!

Heureusement, depuis quelques semaines, mon cerveau me laisse en paix, presque toutes les nuits en tout cas. On se sent quand même mieux, et quelle économie d’anti-cernes !
Pourvu que ça dure !

*Morphée est, dans la mythologie grecque, une divinité des rêves prophétiques. Il est, selon certains théologiens antiques, le fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), et selon d'autres, la principale divinité des mille Oneiroi engendrés par Nyx seule. Il a pour vocation d'endormir les mortels. Il est souvent représenté par un jeune homme tenant un miroir à la main et des pavots soporifiques de l’autre, avec des ailes de papillon battant rapidement et silencieusement, qui lui permettent de voler. Il donne le sommeil en touchant une personne avec ses pavots. Il lui donne également des rêves pour la nuit.

La Communauté Économique Européenne a 60 ans ! Le 25 mars 1957, à Rome, les représentants de six pays jettent les bases de l’Union européenne actuelle. Ce succès résulte de la volonté de paix affichée par les dirigeants de l’après-guerre. En savoir plus. En espérant que la paix qui semble compromise ces temps-ci, perdure.

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