Alexandre

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

IMG_4470-2.jpg, juin 2022La première fois que je t’ai vu, après avoir traversé quelques chambres où des bébés, comme prêts à éclore, stagnaient dans des lits-cage, c’était dans le Patio de l’orphelinat, vous étiez une grosse vingtaine à regarder une télévision accrochée au plafond, on t’a appelé et tu t’es levé avec ce petit air réservé que tu ne quitteras jamais.

Il paraît que depuis plusieurs jours on t’avait annoncé que tu allais avoir des parents et tu étais très fier de pouvoir le dire à tout le monde tant il semble que c’est ce que vous espériez tous, on vous le faisait miroiter comme le Graal : une famille t’attendait !

On s’est regardés, également intimidés, comment savoir quel geste avoir avec quelqu’un qu’on ne connaît pas qui n’a pas la même culture pas le même âge pas le même sexe ?

Et avec qui tu vas partager ta vie.

J’ai essayé de te prendre dans les bras mais forcément tu étais un petit peu circonspect, puis on est partis chez Marília qui nous a reçus dans une chambre d’amis avec un lit double et salle de bain dignes d’une suite.

C’était difficile, je t’ai serré contre mon corps comme pour simuler une naissance mais évidemment pour toi c’était bizarre, pour moi aussi c’était bizarre.

Tout est allé mieux le lendemain quand nous sommes partis faire des courses car ta coquetterie naturelle, ton goût des vêtements, des chaussures et la visite de magasins eurent raison de ta méfiance et t’ont fait pousser des "iiiitaaa" ( nos "oufti" ) surtout devant les Pataugas à la Rambo, la star et ton idole du moment, que tu imitais parfaitement serrant un bandana, une ceinture et un revolver virtuels en te mettant en position d’attaque.

Le retour en avion fut mémorable, tu étais émerveillé bien sûr, tu voulais tout essayer et ouvrir tous les petits sachets mais, le fromage étant si rare voire inconnu au Brésil, quand tu as voulu tester le Roquefort, je te l’ai déconseillé, mais non, tu as voulu goûter, et malgré ma mise en garde, une fois le goût de moisi en bouche, tu m’as regardé comme si j’avais voulu t’assassiner !

A ton arrivée en Belgique, notre famille et ta désormais petite sœur, impatiente de rencontrer « son grand frère », t’attendaient festivement avec tante Béné, oncle Yves et leur fils Thomas arrivé du même orphelinat deux mois auparavant.

Tu es allé tout de suite à l’école parce que, à déjà presque 6 ans, ce que tu préférais, c’était avoir des copains et jouer au foot, ça ne demande pas trop de mots !

Tu as été accueilli comme Pelé, ton autre référence, au football club d’Ocquier dont tu étais un peu la vedette brésilienne, talentueux car bon coureur avec un joli jeu de jambes technique, plus tard, tu seras repris dans l’équipe des promesses provinciales.

Tu étais tellement content d’avoir un premier vélo mais tellement fâché qu’on ne te mette pas de petites roues, je te revois encore essayant de rouler sur cette rue, ici devant la chapelle où on te rend hommage ce matin, et ne pas y arriver, la laisser tomber éructant un « Bicicleta de merda » bien sonore et sans équivoque, enfin marcher boudant jusqu’au bout de la rue chez Léon ! Tu semblais tellement décidé à t’en aller loin de cette humiliation que je t’ai rejoint vite fait dans ma 2Cv en te disant « Alexandre reviens, ce n’est pas grave tu vas bientôt apprendre » alors que tu ne parlais pas encore français. Deux jours après, tu maitrisais la bête, à ta grande fierté, ce fut pour de longues années ton moyen de transport favori, le préférant à notre voiture vous menant pourtant quotidiennement à l’école !

Ta vie c’était donc avant tout le sport et les copains, tu as eu la chance d’avoir quelques bons amis dont certains sont ici aujourd’hui et d’autres te pleurent même en France viens-je d’apprendre.

Je sais que tu aurais autant adoré avoir des enfants que moi des petits-enfants et je pense que nous avons été tous les deux aussi ravis de savoir qu’ Aurore nous avait comblé d’un petit-fils et d’un neveu que tu as immédiatement couvert de cadeaux et dont tu t’apprêtais à faire la connaissance, avec grande impatience, avant qu’un mauvais ami mette un arrêt fatal à ta vie.

On t’attendait ce mois pour fêter tout ça et malheureusement on ne pourra jamais que regretter de ne plus nous voir, plus jamais faire de fête de famille avec tes petites piques d’humour et surtout ta grande sollicitude envers les personnes âgées et les enfants ce dont nous all(i)ons tous avoir besoin un jour ! Humour

Aujourd’hui beaucoup de personnes sont là pour nous, pour toi, parce qu’ils ne t’ont jamais oublié.

Merci donc de nous réunir.

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