Saison 2.1 : Troisième âge et tutti quanti.

Réflexions humoristiques d'une sexa.

Billet

momie.jpgÇa y est le cap est passé, j’ai carrément traversé six décennies en assez bon état et fais désormais partie des "trois fois vingt".
Tout un nouveau vocabulaire peut être appliqué à mon cas, enfin si je le veux/vaux bien !
Obsolète, désuet, suranné, quels jolis mots pour dire (dé)passé, démodé, ringard !
Il pourrait aussi y avoir cacochyme*, mais en principe j’ai encore une vingtaine d’années avant de mériter un tel qualificatif mélangeant phoniquement "cacophonie" et "schisme" et bien plus comique à l’oreille que son sens réel.

Oui, quand on vieillit apparemment tout devient bruit et on se coupe petit à petit du monde. Mais je n’en suis pas là, pas de prothèse auditive et je supporte encore des soirées bruyantes et conviviales avec "mes" Desperate Housewifes.

Des années qu’on vieillit de concert.

On a conduit nos enfants ensemble dès leur maternelle avant de prendre un Nes’(café) chez la plus jeune d’entre nous, Sissi (prénom d’emprunt), qui était encore dans les biberons et avait le bonheur bruyant d’habiter devant l’école du village.
On ragotait, on commentait l’actualité, de la villageoise à l’internationale, dans la joyeuse insouciance de notre trentaine.

Puis on s’est plaintes de nos ados.
Puis on s’est raconté nos jeunes étudiants.
Puis on s’est navrées de leurs problèmes amoureux et de recherche d’emploi.
Puis sont arrivés les premiers petits-enfants (des autres, Bobonne n’y a pas encore droit)...
Tout en parlant de nos soucis quotidiens plus personnels.
Au cours de nos soirées toujours débridées entre femmes, un sujet était rarement abordé mais voilà que, vendredi, c’est au tour de Sissi.
Hé oui, comme la mort, la ménopause nous atteindra toutes, impitoyable, individuellement injuste, mais de façons néanmoins bien moins variées que celles de la grande faucheuse.

Je vous plante le décor :
Une belle grande table ovale joliment vaisselée, garnie de pains et fromages appétissants et de bouteilles de vin à tomber mortes.
Autour, huit femmes de 55 à 60 ans (Bobonne inaugurant la décennie) plus une nouvelle dans la bande depuis quelques années : Mimi (prénom d’emprunt), dans le dernier quart de la quarantaine, un bébé quoi !
Sissi, en confiance, nous raconte ses symptômes et traitement en cours et là, commence la litanie plus ou moins affolante des manifestations corporelles de chacune.

Mimi hésite entre intérêt et inquiétude.
Elle opte pour en apprendre plus.
Erreur.

Les Viré-Clessé et Clozes-Hermitage se vidant à un rythme soutenu, désinhibées de ce sujet semi-tabou, on lui explique par le menu ce ressenti particulier qu’est la bouffée de chaleur assez bizarrement différente de la suée nocturne que certaines ressentent dans les cheveux, d’autres au creux des seins et d’autres un peu partout et qui exigent des manœuvres diverses comme la fenêtre grand ouverte, un lit rafraîchissant et le pied dedans puis dehors du duvet voire le corps entier mais pas pour trop longtemps non plus !

Mimi se décompose à la vitesse des susdites montées thermiques.

Manifestement, une forme d’envie mâtinée de cruauté vengeresse s’installe, force détails s’ajoutent, comme les insomnies qui réunissent le plus de lamentations, entre difficulté à s’endormir et longues heures à compter les moutons ou établir sans fin la listes des corvées à venir.

Mimi se tasse et gémit un "nooon" la laissant la lippe pendante, comme si un alien surgissait du couloir pour se faire une nouvelle victime.

Deux trois chanceuses minimisent mais il y a une forme d’hallali où nous nous complaisons à abattre le moral de plus en plus chancelant de Mimi, qui est Bob** ce soir, et a du mal à dire non à un dernier verre anesthésiant ses angoisses bien justifiées devant la peinture de ce futur impitoyable.

Bien fait, na ! Insolente jeunesse !

Enfin mises à l’abri de l’empoisonnement sournois des serviettes et tampons hygiéniques, maigre consolation, on devient acariâtre avec l’âge mais le vert de la jalousie ne sied pas aux femmes mûres, mélangé qu’il est avec le teint empourpré dû aux divers bons crus dégustés !

Alors que le nôtre est plutôt aviné, devant le regard de Mimi presque suicidaire, on calme nos envolées médicales à défaut d’amicales quant aux remèdes différemment choisis et tolérés, car vraiment, on ne voudrait pas que, définitivement désespérée, elle se fasse un arbre au retour !

Comme d’habitude, ce fut une excellente soirée car bien sûr ce ne fut pas le seul sujet abordé, on a ri comme des folles et on s’est presque moquées de tout le monde !

Ménopausées, oui, désespérées, non !

Ou si peu ...

* Cacochyme :
Sens 1 Littéraire Qui a un organisme en mauvais état et est donc plus sensible aux maladies
Exemple : Une vieille femme cacochyme déambulait devant lui en boitant. (C’est un peu moi ces moments-ci. NDLR)
Sens 2 Figuré Qui est étrange car changeant (à propos d'un esprit, d'une humeur).
Ethymologie : Καϰὸς, mauvais et χυμὸς, suc 
** Faire le Bob

Cette semaine je souhaite un bon anniversaire à toutes mes co-réthoriciennes non citées à ce jour qui ont été trop timides ou distraites pour m’envoyer leur date.

Le grand teaser (Phase initiale d'une campagne publicitaire se présentant sous forme d'énigme, destinée à susciter et à maintenir l'attention du public) : la semaine prochaine, le premier "Billets Blancs de Bobonne", tribune libre offerte à une femme.